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Survie sélective
Laŭspeca pluvivado

Au Brésil, les catadores vivent grâce aux déchets ménagers de leurs contemporains. Luttant pour survivre et pour leur place dans la cité. Leur simple existence rappelle combien ce pays est injuste et inégal.

La misère est moins pénible au soleil ? Waldir, la soixantaine bien marquée, catador do lixo à São Paulo, ne reprendrait pas ce refrain.

Un catador do lixo vit des déchets de ses contemporains. Écumant dès l'aube les rues des grands centres urbains brésiliens, attelé à une carroça (charrette à bras), il récupère les ordures pour ensuite les trier, et revendre au poids les différents matériaux recyclables (papier, verre, métaux…) à des entreprises de retraitement. Certains éventrent les poubelles au pied des immeubles, d'autres ont noué des "partenariats" avec des bureaux, des restaurants, des hôtels, des syndics...

En Brazilo, la catadores perlaboras dank' al la domaj defalaĵoj de siaj samtempanoj. Luktante por pluvivi kaj por sia loko en la civito. Ilia nura ĉeesto montras, kiom tiu lando estas nejusta kaj neegala.

Ĉu "la mizero premadus malpli sub la sun'"? Waldir, ŝajne sesdek-jara delonge, rub-kolektisto en Sao Paŭlo, ne rekantus tiun refrenon.

Rub-kolektisto vivas per la defalaĵoj de siaj samepokanoj. Traserĉante ekde la tagiĝo la stratojn de la grandaj brazilaj urbocentroj, jungata ĉe carroça (ĉareto kun timonetoj), li rekuperas la rubojn por laŭspecigi ilin poste, kaj revendi popeze la diversajn recikleblajn materialojn (papero, vitro, metaloj...) al entreprenoj de retraktado. Iuj elventrigas la rubujojn malsupre de la domegoj, aliaj aranĝis "partnerumadojn" kun oficejoj, gastejoj, hoteloj, sindikoj...

Coopérative. Si certains travaillent seuls, d'autres se sont regroupés en coopératives, afin de mieux défendre leurs droits sociaux et économiques. Dans la sienne, Waldir profite d'une structure qu'il contribue à financer, à hauteur de 10% de ses maigres revenus (environ 600 réais [170 euros] mensuels). Les charges communes (électricité, eau, frais de fonctionnement, loyer...) sont mutualisées, mais chacun gagne selon son rendement.

La collecte de Waldir est normalement organisée selon un itinéraire fixe. Mais la concurrence et la baisse constante des prix des matériaux l'obligent à aller toujours plus loin chercher sa matière première. Sa tournée terminée, il revient à la coopérative, où il dispose d'un espace personnel pour entreposer les sacs poubelle ramassés et effectuer le tri. Son fils vient parfois, à contre-coeur, participer aux opérations.

S'il a de la chance, le catador travaille avec des "fournisseurs" qui opèrent une première sélection à la source (chaque sac contiendra un type de matériaux). S'il en a moins, il collectera des sacs d'ordures dans lesquels tout sera mélangé, souillé.

Il plane sur le site de la coopérative une épouvantable odeur de décharge, et la plupart des catadores travaillent dans des conditions d'hygiène et de sécurité lamentables (manipulation de déchets hospitaliers, de papier toilette usagé, de verre brisé...). Porter des gants ralentit les cadences de travail, et se révèle de toute façon trop onéreux.

Encore beaucoup de catadores travaillent à leur compte : la condition même de ces populations cumulant les handicaps (pauvreté, analphabétisme, mal-logement...) rend difficile tout travail collectif. Et les belles idées selon lesquelles la pauvreté engendrerait la solidarité ne sont ici que des clichés éculés : pour les catadores, le monde est une jungle, et, a priori, c'est chacun pour soi.

Dans les rues de São Paulo. Attelés à leur «carroça», les «catadores» peinent sous le regard indifférent de leurs contemporains (Crédits photographiques : Hugo Dizazzo)

Les catadores revendent le papier journal 0,06 real le kilo, le verre coloré, le plus fréquent, 0,10 real, les canettes en aluminium, sur lesquelles la concurrence est très développée, 3,00 réais, et le cuivre, l'or du catador, 6,30 réais (1 real vaut environ 0,30 euro).

Kooperativo. Iuj laboras sole dum aliaj ariĝis en kooperativoj cele pli bone defendi siajn sociajn kaj ekonomiajn rajtojn. Ĉe sia, Waldir profitas strukturon, al kiu li pagas parton de ĝia funkciado je 10 elcentoj de siaj magraj enspezoj (ĉirkaŭ po 600 realoj [170 eŭroj] monate). La komunaj elspezoj (elektro, akvo, diversaĵoj, luado...) estas mutualigitaj, sed ĉiu gajnas laŭ sia produktokvanto.

La kolekto de Waldir normale estas organizita laŭ fiksa itinero. Sed la konkurenco kaj la konstanta malpliiĝo de la materialaj prezoj devigas lin iri ĉiam pli foren por serĉi sian krudan materialon. Post sia rondiro, li revenas kooperativen, kie li disponas personan ejon por deponi la plukitajn sakojn kaj laŭspecigi. Lia filo foje venas, kontraŭvole, por partopreni la faradon.

Se li havas ŝancon, la kolektisto laboras kun "provizantoj", kiuj faras unuan selekton ĉe la fonto (ĉiu sako enhavos nur unu materialan specon). Se ne, li kolektos sakojn, en kiuj ĉio estas miksita, malpurigita.

Ŝvebas en la kooperativa ejo terura odoro de rub-deponejo, kaj la plimulto de la kolektistoj laboras en priplorindaj kondiĉoj higienaj kaj sekurecaj (pritraktado de hospitalaj defalaĵoj, uzita necesej-papero, rompita vitro...) Surhavi gantojn malpliigas la ritmon, kaj ĉiel montriĝas tro koste.

Ankoraŭ multe da kolektistoj laboras memstare: la kondiĉo mem de tiuj homoj kumulantaj la handikapojn (malriĉeco, analfabeteco, misloĝado...) malfaciligas ĉian kolektivan laboradon. Kaj la belaj ideoj, laŭ kiuj la malriĉeco naskas la solidarecon, estas eluzitaj kliŝoj: por la kolektistoj, la mondo estas ĝangalo, kaj apriore estas ĉiu por si.

Disposant d'incroyables ressources naturelles sur ses 8,5 millions de kilomètres carrés, le Brésil, 14e PIB mondial, enregistre pourtant un des plus forts taux de mortalité par armes à feu du monde (plus de 550 000 morts entre 1979 et 2003). Cette République fédérale de 180 millions d'habitants compte également plus de 50 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. L'espérance de vie y est de 68 ans, et 24 millions de personnes de plus de 5 ans sont officiellement analphabètes.

Paradoxe. Enfin, outre les difficultés matérielles, Waldir et ses collègues pâtissent du manque de valorisation de leur fonction sociale dans la cité. Absence de reconnaissance de la part des autorités, mépris ou indifférence dans le regard des autres habitants. Car l'existence des catadores dans les rues de São Paulo révèle non seulement les lacunes des pouvoirs publics en matière d'enlèvement et de tri sélectif des déchets ménagers mais également l'échec d'une société qui ne parvient pas à offrir à tous des moyens de subsistance. On touche ainsi du doigt l'ambivalence de la situation : les catadores pallient les manquements des pouvoirs publics mais, si les autorités assumaient leurs responsabilités, ils se trouveraient privés de leur unique source de revenu. Et paradoxalement, malgré leur utilité sociale, les catadores sont victimes de harcèlement de la part des municipalités, qui cherchent par tous les moyens à nettoyer les rues de leur présence. Interdiction des carroças à tel endroit pour ne pas nuire au trafic automobile, menace d'évacuation du site d'une coopérative au nom de prétendus risques d'incendie à tel autre...

Pourtant, en agissant de la sorte, le pouvoir joue une partie incertaine : si les catadores venaient à disparaître, leur coût social pour la collectivité serait bien supérieur, et il reviendrait également à celle-ci d'assumer les tâches dont s'acquittaient gratuitement Waldir et ses collègues.

Hugo Dizazzo

Paradokso. Fine, krom la materialaj malfacilaĵoj, Waldir kaj ties kolegoj suferas pri la manko de valorigo de sia socia funkcio en la civito. Neniu agnosko el la aŭtoritatularo, malestimo aŭ seninteresiĝo en la rigardo de la aliaj kunloĝantoj. Ĉar la ĉeesto de la kolektistoj sur la stratoj de Sao Paŭlo montras ne nur la mankojn de la publikaj staboj pri deprenado kaj selektado de la domaj defalaĵoj, sed ankaŭ la fiaskon de socio, kiu ne sukcesas provizi ĉiujn per vivrimedoj. Tie kuŝas ambaŭ flankoj de la situacio: la kolektistoj provizore solvas la mankojn de la publikaj potencoj, sed se la estraroj plenumus siajn devojn, ili estus senigitaj je sia nura enspez-fonto. Kaj paradokse, malgraŭ sia socia utileco, la kolektistojn trafas la ĉagrenado far la komunumoj, kiuj klopodas per ĉiuj rimedoj meti ilin for de la stratoj. Ie malpermeso de la ĉaretoj por ne malhelpi la veturilan trafikon, tie minaco de forpelado el la ejo de kooperativo pro pseŭdaj incendiaj riskoj...

Tamen, tiel agante, la potenco ludas necertan partion: se la kolektistoj malaperus, ties socia kosto por la kolektivumo estus ja pli granda, kaj ĝi ankaŭ devus plenumi la taskojn, kiujn Waldir kaj ties kolegoj prenis sur sin senpage.

Hugo Dizazzo
Tradukis Jean Lazert

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