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La virée des emplois
La turneo de la dungoj

Si l'on connaît bien les conséquences des délocalisations en France, on s'attarde souvent moins sur ce qui se passe ensuite, dans les pays qui voient arriver ces emplois en migration. Avant de les voir repartir. Reportage.

À Budapest

Encore une fois, gros plans sur des visages abattus. L'instant d'avant, la caméra balayait en plan large des ateliers vidés de leurs machines. Après, la voix-off nous apprendra que celles-ci ont été déménagées "ailleurs", "là où le travail est moins cher". "Vers l'Est", coupable idéal. Fin du reportage. Ce qui se passe là-bas, de l'autre côté des délocalisations, on n'en saura rien.

La konsekvencojn de translokadoj oni bone konas en Francio, sed malpli ofte oni interesiĝas pri kio poste sekvas, en la landoj kiuj ricevas tiujn migrajn dungojn. Antaŭ ol ili foriros. Raportaĵo.

En Budapeŝto

Ree, fokusoj sur afliktitaj vizaĝoj. Antaŭe, la kamerao larĝ-kadre balais atelierojn malplenigitajn per ties maŝinoj. Poste, voĉo sciigos nin, ke tiuj estis translokitaj "ien alie, tien, kie laboro malpli kostas". "Orienten", trafa kulpulo. Fino de raportaĵo. Kio okazas tie for, malantaŭ la translokadoj, pri tio oni scios nenion.

Transition. András a 24 ans, et il vit, lui, à Budapest. Tous les jours, il s'en va travailler, ordinateur portable à la main. Jamais un pli sur son costume. Il y a six mois, avec en poche son MBA obtenu pour partie à Hongkong, il est devenu chef de produit dans une multinationale. Les délocalisations ? "La meilleure chose qui nous soit arrivée depuis la fin du communisme !" Difficile de ne pas comprendre son engouement. Chaque entreprise qui s'implante, ce sont des emplois créés, un pouvoir d'achat qui s'élève, des ressources pour l'État ou les collectivités territoriales. Et, même si la Hongrie a commencé très tôt sa transition économique - 100 000 emplois industriels y ont été créés de 1995 à 2000 -, certaines régions sont loin d'égaler les performances de la capitale : autant dire que ces fonds sont attendus. Chez les voisins slovaques, l'urgence est plus forte encore. Le taux de chômage flirte avec les 20 %, tout comme en Pologne. Partout dans la région, les gouvernements tentent donc d'attirer à eux ces emplois tant convoités, synonymes de nouvelles méthodes de travail et d'un rapprochement économique et culturel avec l'Europe occidentale. Fiscalité limitée, démarches administratives réduites à l'extrême et subventions directes pour la création d'emplois sont alors les ressorts des politiques mises en place. Auxquels s'ajoutent deux arguments chocs : faible coût du travail et marchés nationaux marqués par une demande intérieure forte.

Transiro. András 24-jaras, kaj vivas en Budapeŝto. Ĉiun tagon, li iras laboren kun komputilo ĉemane. Neniam faldo ĉe vesto. Antaŭ ses monatoj, kun MBA-diplomo parte ricevita en Hongkongo enpoŝe, li iĝis produktestro en mult-naia entrepreno. La translokadoj? "Plej bona afero, kiu okazis al ni ekde la fino de l' komunismo." Malfacilas ne kompreni lian entuziasmon. Por ĉiu entrepreno instaliĝinta, estas kreitaj postenoj, aĉet-povo pliiĝanta, monrimedoj por la ŝtato kaj la teritoriaj estraroj. Kaj, eĉ se Hungario tre frue komencis sian ekonomian transiron - 100 000 industriaj postenoj estis kreitaj tie inter 1995 kaj 2000 -, iuj regionoj ne ankoraŭ egalas la rekordojn de la ĉefurbo: vidite, tiuj enspezoj estas atendataj. Ĉe la slovakaj najbaroj, urĝo ankoraŭ pli fortas. La maldunga proporcio, trioble pli alta, apudas 20 %, kiel en Polio. Ĉie en la regiono, la estraroj do provas altiri tiujn tiom deziratajn dungojn, signifantajn novajn labor-metodojn kaj pliproksimiĝon ekonomian kaj kulturan kun okcidenta Eŭropo. Limigita impostaro, administraj demarŝoj reduktitaj ĝis minimumo kaj rektaj subvencioj al posten-kreado estas la risortoj de surloke starigitaj politikoj. Al kiuj aldoniĝas du trafaj argumentoj: malalta laborkosto kaj nacia merkato markita de forta interna peto.

Budapest, Stadionok, 2004. D'une station à l'autre, d'une économie à l'autre (Crédits photographiques : Dávid Hromada-Kishegyi)

Plastivaloire, plasturgiste français, fermait son usine de Flers en 2002, laissant sur le carreau 200 salariés. Aujourd'hui, le groupe emploie plus d'ouvriers en Roumanie et en Pologne (665) qu'en France (616). Un de leurs ouvriers gagne 1520€ par mois en France, 230€ à Timisoara.

Boniments. Et pour attirer, pas de secret, il faut savoir se vendre. Quitte parfois à donner l'impression d'une foire entre les pays. "Les salaires en Pologne sont quatre ou cinq fois inférieurs à ceux des pays d'Europe occidentale, et sont moins élevés qu'en République tchèque ou en Hongrie", nous détaille notre interlocutrice à la Paiiz - l'agence polonaise pour la promotion des investissements étrangers. Son homologue slovaque de la Sario en rajoute dans le boniment : "Tout est fait pour que les chefs d'entreprise étrangers trouvent leur bonheur chez nous !" Mais n'allez surtout pas les accuser de dumping fiscal destructeur pour l'emploi des pays d'Europe occidentale, sous peine d'une réplique cinglante. "L'Irlande n'a pas fait autre chose quand elle est entrée dans l'Union !" s'exclame András.

Reklamaĉado. Por allogi, neniu sekreto, sciendas vendi sin. Eĉ foje doni l' impreson de interlanda foiro. "La salajroj en Polio estas kvar- aŭ kvinoble pli malaltaj ol tiuj konstatataj en okcident-eŭropaj landoj, kaj pli malaltas ol en Ĉeĥa Respubliko aŭ en Hungario", detaligas nia kunparolantino en la Paiiz - ŝtata pola agentejo por la promocio de la eksterlandaj investoj. Ŝia slovaka samulo de Sario ankoraŭ pli reklamaĉadas: "Ĉio estas farita, por ke la eksterlandaj entreprenestroj trovu sian feliĉon ĉe ni !" Sed ne intencu akuzi ilin je fiska troĉipeco detruema por postenaro en la okcidentaj landoj, aŭ vi ricevas vipofrapan rebaton : "Irlando ne faris alion, kiam ĝi eniris la Unuiĝon !" András ekdiras.

Ateliers vidés. En ce moment, à la Paiiz, on ne ménage pas ses efforts. Les derniers chiffres ne sont pas bons : le montant des investissements étrangers en Pologne en 2004 peine à se maintenir au niveau de 2003. Le pays a beau rêver d'investisseurs étrangers, il ne les voit pas toujours venir. Pire encore, parfois les emplois tant espérés s'en vont. Et le défi à relever par les politiques nationales n'en est que plus grand : attirer, oui, mais pas n'importe qui. Priorité aux investisseurs intéressés par le marché régional, et pas uniquement par des salaires toujours plus bas. Les cadres de la Paiiz, de la Sario ou bien encore de Czech Invest ne pourront le nier : ailleurs, les coûts du travail sont encore plus faibles. Un ouvrier roumain gagne 170 € par mois, un Ukrainien 80 € : trois à quatre fois moins qu'un Hongrois ou un Polonais (mais toujours au moins deux fois plus qu'un Chinois). Certains grands ont su en tirer profit. Laissant à nouveau derrière eux ateliers vidés et visages défaits.

Antoine Bayet

Malplenigitaj atelieroj. Tiutempe, en la Paiiz, oni malŝpare strebas. La ĵusa ciferaro ne bonas : la enspezaro de la eksterlandaj investoj en Polio en 2004 penas resti nivele de 2003. La lando belrevas pri investantoj, ĝi ne ĉiam vidas ilin veni. Pli aĉe ankoraŭ, foje, la tiom esperitaj postenoj foriras. Kaj la defio akceptota de landaj politikoj grandas: altiri, jes, sed ne iun ajn. Prioritato por investantoj interesataj de regiona merkato, kaj ne nur de ĉiam pli malaltaj salajroj. Ĉiuj estroj de Paiiz, Sario kaj ankaŭ Czech Invest ne povas nei tion: ie alie, la laborkostoj ankoraŭ pli malfortas. Rumana laboristo gajnas 170 € monate, Ukrajno 80 €: tri- aŭ kvaroble malpli ol Hungaro aŭ Polo (sed ĉiam almenaŭ duoble pli ol Ĉino). Iuj granduloj bonesperas profiti tion. Kaj ree lasas malantaŭ si malplenigitajn atelierojn kaj senesperajn vizaĝojn.

Antoine Bayet
Tradukis Jean Lazert

Employé à tout va, le mot "délocalisation" est devenu un attrape-tout. Au sens strict, "délocaliser" implique de fermer une usine dans un pays, la transférer dans un autre, pour réimporter la production dans le premier. En réalité, les entreprises migrantes, tout en réimportant vers les anciens pays, cherchent à pénétrer les nouveaux.


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